Pour une méritocratie sans parti pris

2017-03-24, La Presse (Opinion)
Louise Champoux-Paillé
, Administratrice de société certifiée

Le 8 mars dernier, les Autorités en valeurs mobilières ont publié les résultats des vérifications effectuées par plus de 700 entreprises cotées en Bourse concernant la présence féminine au sein de leurs organisations.

Celles-ci permettent de savoir si ces entreprises se sont dotées de politiques pour la sélection de leurs administrateurs qui tiennent compte du sexe des candidats potentiels à cette fonction. Également, ces données nous indiquent si les sociétés en question se sont dotées de politiques sur la durée des mandats des administrateurs pour en favoriser le renouvellement, et nous informent sur les cibles pour accroître la présence féminine tant au sein de leurs conseils d’administration que de leurs hautes directions.

Ces résultats nous permettent de constater que, autant dans les grandes entreprises canadiennes que québécoises, cette présence est de l’ordre de 25 %, en légère hausse depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées au Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance. En outre, ils permettent de constater que seulement un tiers de ces entreprises se dotent de cibles pour les conseils d’administration et que très peu le font pour les postes de haute direction.

La principale raison invoquée pour ne pas se doter de cibles serait la volonté des sociétés de choisir des personnes hautement compétentes, sans égard à leur sexe, ce qu’on nomme « méritocratie ». Un tel argument peut servir de subterfuge pour ralentir le rythme de progression des femmes au sein des conseils d’administration.

Pour avoir fait du mentorat depuis plusieurs années et avoir fait la promotion d’une plus grande inclusion féminine dans les plus hautes instances, il ne fait aucun doute que nous offrons aux décideurs une masse critique de talents féminins capables de répondre à leurs attentes.

Le taux de diplomation des femmes dans plusieurs facultés universitaires en est un reflet. Les femmes sont en outre intéressées à siéger à des conseils d’administration comme le prouvent leurs inscriptions dans des écoles offrant des cours en gouvernance.

Toutefois, on peut se poser la question si l’accès à ces fonctions est aussi facile pour les femmes que pour les hommes. En effet, les conseils d’administration, dans le choix de nouveaux membres, favorisent hautement les personnes qui sont, ou ont été, présidents-chefs de la direction d’une société. Or, ce critère défavorise les femmes puisqu’elles n’occupent encore qu’un faible pourcentage de ces postes.

La valeur ajoutée d’un conseil d’administration ne réside-t-elle pas dans la complémentarité des compétences et des expériences des administrateurs, leur rigueur, leur vision et leur capacité à participer à l’établissement de stratégies gagnantes?

Trouve-t-on uniquement ces qualités du côté des présidents?

N’aurions-nous pas avantage et ce, sans égard au sexe, à tenir compte d’autres expertises, notamment celles de personnes travaillant dans des milieux autres et pouvant proposer une valeur ajoutée différente à nos conseils d’administration? Pensons ici aux dirigeants travaillant au sein de sociétés à but non lucratif (fondations, entreprises d’économie sociale, universités, milieux culturels…) qui pourraient conduire nos organisations à considérer une vision plus large de leur rôle plutôt que de se restreindre au seul rendement à court terme pour les actionnaires.

On peut également se questionner sur le processus de recrutement des administrateurs qui, encore aujourd’hui, repose principalement sur les réseaux de contacts des dirigeants, lesquels sont majoritairement des hommes.

La réglementation favorisant une meilleure représentation féminine conduit les entreprises à réfléchir annuellement sur leurs efforts pour accroître l’accessibilité à leurs lieux décisionnels. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais qui n’apportera pas de changements durables à moins d’initiatives plus en profondeur. Si l’on croit à l’excellence et à la méritocratie, il faut s’assurer que tant les hommes que les femmes puissent avoir accès à ces fonctions sur un pied d’égalité. Trop de femmes en sont encore exclues.

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