De l’évasion fiscale tolérée par Ottawa, selon Enquête et Marwah Rizqy

3 mars 2017
Dominique Lemoine

Des nantis privilégiés du Canada auraient réussi à éviter de payer des impôts en passant par l’influent cabinet comptable KPMG, révèle une enquête conjointe des émissions Enquête et Fifth Estate.

Cette enquête est basée sur le témoignage d’un client et sur des documents liés à un stratagème offert par KPMG à ses clients. Ces documents, dont un « modèle d’entente secrète », auraient été ensuite montrés à des experts en fiscalité, dont Marwah Rizqy.

Selon cette professeur de fiscalité de l’Université de Sherbrooke, dont les propos sont rapportés par Enquête et Fifth Estate, « l’ensemble du stratagème servait bel et bien à faire de l’évasion fiscale ». Cependant, précisent les deux émissions d’enquête, « ni les clients de KPMG ni le cabinet lui-même n’ont fait l’objet d’une enquête criminelle pour évasion fiscale ».

Même que, selon Rizqy, des « hauts fonctionnaires négociaient une amnistie avec KPMG ». De plus, l’Agence du revenu du Canada aurait « offert une amnistie aux clients multimillionnaires de KPMG », selon l’enquête, qui mentionne aussi que KPMG aurait « reçu plus de 92 millions de dollars en contrats du gouvernement fédéral depuis 2006, dont le contrat de vérifications des états financiers du Sénat ».

Selon André Lareau, professeur de droit fiscal à l’Université Laval, aussi contacté dans le cadre de l’enquête, « le message que ça envoie, c’est que la loi ne s’applique pas à tous ». Invité à témoigner en tant qu’expert dans le cadre d’un processus de consultation mené par le comité des finances du Parlement, Lareau aurait été contraint par le libéral Wayne Easter à ne pas parler de KPMG.

« Lorsqu’on prend toute l’affaire KPMG, on se rend compte qu’il y a peut-être ici une histoire de camouflage. »

— Marwah Rizqy.

Loi des hommes

Par ailleurs, toujours selon l’enquête, KPMG aurait affirmé au client que la « combine » était légale, mais il n’aurait toutefois pas négligé de faire « signer une entente de non-divulgation » à ses clients et de leur faire promettre de ne « jamais souffler mot à qui que ce soit ».

KPMG maintiendrait « avoir obtenu des avis juridiques externes tant au Canada qu’à l’île de Man pour s’assurer qu’il respectait les lois des deux pays ».

L’enquête criminelle réclamée par des experts pourrait donc possiblement révéler l’illégalité du stratagème de KPMG, ou la permissivité des lois et des autorités fiscales canadiennes pour les multimillionnaires.

Voir le reportage de l’émission Enquête ›››

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